Salut Hugues et merci pour ton message,
En effet, le plan initial était bien de traverser le lac. A vrai dire c'était même pour moi la principale raison de l'organisation de cette virée. Du coup ça me donne une belle occasion de poursuivre mon récit...
Nous sommes donc le lendemain matin samedi au déco de Planfait. Guigui et Damien ont passé la matinée à élaborer à peu près tous les scénarios possibles pour cette journée qui s'annonce excellente. Ils ont tout étudié : La direction du vent météo (secteur nord), les brises de vallée, les reliefs porteurs en fonction des heures de la journée, les cross déjà réalisés dans des conditions équivalentes d'hygrométrie et d'alignement planétaire... tout je vous dis. Arrivés donc au déco en même temps qu'à la douzième version du plan de vol on opte pour une mise en l'air vers 12h30 et un tour des Aravis par le sud.
Je ne suis pas sûr de réussir à les suivre bien longtemps mais mon "dépucelage" de la veille m'a mis en confiance, j'ai les stabillo qui rayent les barbules et j'ai bien envie de tenter le coup. Je me mets donc en l'air à 13h et je commence par gratter un long moment au-dessus du déco de Planfait avant de réussir à m'extraire au niveau des Dents de Lanfon. J'arrive après la bagarre et je ne parviens pas à localiser les copains alors que je les reçois bien en radio. Ils ont commencé à s'attaquer à la Tournette que j'observe de loin coiffée d'un épais voile nuageux... bof pas très encourageant.
A mesure que je m'approche j'entends de la voix des copains que la prise de contact avec la grande dame semble rugueuse. C'est qu'elle a décidé de ne pas se laisser grimper dessus si facilement aujourd'hui. Je suis maintenant au-dessus du Lanfonet et toujours pas de voile connue en visuel, mais où ont-ils bien pu passer ? Je suis en train de scruter les alentours quand mon regard fini par se poser de l'autre côté du lac sur le Roc des Bœufs... dis-donc, on dirait bien que ce côté-là à l'air plus attirant. J'hésite un instant, jette un dernier regard vers la Tournette et me résous à changer de cap direction l'ouest. J'annonce à l'équipe mes nouvelles intentions "Nico, à 2000 m au-dessus du Lanfonet, je tente la traversée du lac pour aller poser à Doussard, bon vol les gars !".
C'est donc parti pour ce vol tant attendu.
Je reviens donc vers les dents de Lanfon où j'assure un plaf confortable à 2000 m. Ça devrait me permettre de traverser sereinement même si j'ai quand même quelques doutes sur la qualité de plané de mon Ellus 5. Je me lance donc dans la transition au-dessus du lac en prenant soin de faire une belle laisse de chien comme me l'ont précisément décrite Damien et Guigui la veille. Et là tout se passe comme prévu, c'est une vraie mer d'huile que je traverse pendant laquelle je m'applique à me détendre et à récupérer un peu de la première heure de vol. C'est qu'il va me falloir de la ressource pour remonter tout le Roc des Bœufs et assurer la transition vers Doussard.
Une Pom'Pote et plusieurs minutes de glide plus tard les affaires reprennent. J'arrive sur le Roc vers 1250 m. Je ne sais pas si c'est bien ou médiocre en tout cas je constate que je ne suis pas le seul crabe à être pris dans ce panier. Nous sommes une dizaine à gratter en essayant de raccrocher un semblant de thermique. Ça ne monte pas des masses mais au moins ça ne descend pas non plus, je me prépare donc à patienter un peu. Je me bats depuis une dizaine de minutes quand soudain... bip bip bip.... Je sors enfin ! Je commence à enrouler un beau thermique pas très puissant mais régulier qui me fait gentiment grimper le long de la crête quand je m'aperçois avec étonnement que les spirales sont inutiles. Je suis littéralement pris dans un flux qui m'emporte avec lui à mesure qu'il gravi le relief. Extraordinaire sensation que de se sentir ainsi porté par la puissance des éléments avec pour seule tâche que maintenir le cap... je flotte dans l'air.
J'arrive ainsi rapidement au premier pylône (surnommé le grille-pain n°1). Par mesure de précaution je fais quelques huit avant de le franchir pour être certain de passer largement au-dessus. Au moment de le franchir je réalise que mon objectif d'aller poser à Doussard est à portée de main et ça me procure un beau sentiment de satisfaction. Sentiment vite effacé par la concentration qui reprend le dessus lorsque je m'aperçois que le flux continu à me porter le long de la crête. Les conditions sont calmes, je suis en forme, il y a des ailes plus loin sur la crête... Je décide de poursuivre un peu jusqu'au deuxième grille-pain.
Il ne me faut pas longtemps pour arriver à proximité de ce géant de fer qui domine la plaine de Doussard. Depuis le temps que je le scrutais d'en-bas celui-là... qu'elle fierté d'être désormais en train de le survoler. Maintenant c'est sûr le retour à l'atterro est assuré au j'aurai bientôt atteint mon objectif.
Je suis tellement bien que j'ai envie de faire durer le plaisir. Je tente quelques aller-retours le long de la crête pour m'assurer que je ne suis pas trop contré en Nord (rapport à la mésaventure de Damien jeudi et à la récup qu'on a faite au pied du Semnoz). Ca m'a l'air beaucoup plus calme que jeudi et je m'offre donc le luxe d'allonger un peu jusqu'au point culminant du Roc des Bœufs quelques centaines de mètres après le grille-pain n°2. Il y a là plusieurs ailes qui enroulent jusqu'au nuage et je me joins à la danse. Quelle joie de voir apparaître à l'horizon le massif des Bauges tant de fois évoqué par les crosseurs mais qui m'était encore inconnu.
Je reste là un bon moment déçu de devoir partir alors que les Bauges me tendent les bras (et que je vois plusieurs ailes se jeter vers le massif). C'est alors que je constate sur mon GPS que je ne suis qu'à 12 km du déco. Je me remémore la conversation de la veille à l'occasion de laquelle nous avons parlé du brevet de pilote confirmé et de la nécessité de valider un cross de plus de 15 km. J’imagine qu’en atterrissant à Doussard ça devrait le faire mais je préfère assurer le coup. Les conditions sont magnifiques et Damien nous a parlé d’un petit relief qui porte en milieu de vallée, le mont Julioz. Je constate que des ailes sont en train d’enrouler au-dessus. J’hésite un peu. En me lançant vers les Bauges je prends le risque de ne pas pouvoir revenir alors que mon objectif est à porté de main, d’un autre côté je me sens bien, les conditions sont parfaites et j’ai 2200 m d’altitude. Je décide donc de m’engager dans cette traversée sans trop savoir où cela va me mener.
Je transite, enroulant ça et là quelques petites bulles ce qui m’évite de trop perdre et surtout je garde l’œil rivé à mon GPS jusqu’à voir apparaître les 15 km visés… yeeehaaa ! J’y suis enfin. J’ai encore pas mal de gaz sous les pieds et largement de quoi rejoindre le mont Julioz. J’y arrive très confortablement et reprends en quelques minutes tous les mètres perdus en transition. Je suis maintenant à 2300 m à mi-chemin entre le Roc des Bœufs et le massif des Bauges. Que faire ?
J’hésite entre l’inconnue la plus complète ou tenter de rejoindre malgré tout ma destination initiale. L’hésitation est de courte durée, je suis déjà allé bien au-delà de mon plan et je décide rapidement de tenter le retour histoire de ne pas accumuler trop de nouveautés la même journée (c’est que ça consomme de la ressource mentale cette gymnastique !).
Je repars donc vers le nord. Contré cette fois par un léger vent de face qui me permet malgré tout d’avancer avec un bon 20 km/h. Ca dégrade pas mal dans la transition et je vois bientôt le Roc des Bœufs prendre des proportions inquiétantes au-dessus de ma tête. Je pousse un peu l’accélérateur (je ne suis pas encore assez à l’aise pour le full barreau) en me demandant si ça va être suffisant. Un coup d’œil à gauche et à droite pour repérer des champs vachables et je me détends. Le terrain semble accueillant et au pire, je serai quitte pour une petite rando retour. J’arrive enfin au pied du Roc quand après quelques hésitations mon vario se met à chanter. Ouf, c’est bon j’ai raccroché. Je ne vais pas tarder à m’apercevoir d’ailleurs que je n’ai pas raccroché à moitié. Je me sens tiré par les bretelles avec une telle force qu’en quelques minutes et sans avoir à enrouler le moins du monde je me retrouve à nouveau au sommet du Roc des Bœufs. Mission accomplie ! Je continue à enrouler un petit moment pour atteindre l’altitude confortable de 2300 m. De quoi semble-t-il assurer un retour tranquille à Doussard.
Je n’en reviens pas, j’ai décollé de Planfait et je vais poser à Doussard depuis le Roc des Bœufs. Une anecdote pour les crosseurs aguerris mais une vraie belle satisfaction pour un petit piou piou comme moi.
J’assure donc mon plein à 2300 m et je m’engage dans ma dernière transition quand soudain je me fais happer par une pompe surpuissante qui me propulse à 5 m/s vers un nouveau plaf à 2650 m. 2650 m, je ne rêve pas, d’un coup toute la perspective de la vallée change, tous les sommets semblent plus petits, l’atterro est maintenant à mes pied et… bizarrement le déco de la Forclaz ne semble plus si inaccessible. Oserai-je seulement…
Aller, j’ose. Au pire je ferai demi-tour pendant la transition. Je me lance donc dans une nouvelle traversée avec en ligne de mire le déco de la Forclaz. Je sais que j’aurai du mal à raccrocher si j’arrive trop bas mais avec un peu de chance ça peu passer… et ça passe ! Après plusieurs minutes dans un air super calme j’arrive environ 50m au-dessus du déco et je commence à réaliser que je pourrai peut-être boucler mon tour du lac. Ce n’était pas vraiment prévu mais pourquoi se priver ? A peine arrivé au-dessus du déco je commence à longer les Roux et une fois de plus je n’ai pas à enrouler une seule fois pour arriver au bout de la crête. Un saut de puce vers le Lanfonet et un autre vers les dents de Lanfon et me voilà revenu à mon point de départ après presque 3h de vol. Quelle euphorie… !
Je commence ma descente pour aller poser mais je me ravise. Je suis encore très en forme et les conditions sont toujours clémentes. Je décide donc de tenter la traversée vers le mont Veyrier pour élargir mon triangle. Problème, j’ai pris cette décision un peu tard et je suis déjà assez bas. A voir les ailes qui remontent facilement sur le Veyrier je me dis que c’est jouable mais je préfère ne pas trop tirer sur la corde d’autant plus que c’est la première fois que je fais un vol aussi long. Je me fixe donc une limite. Si à 1200 m je n’ai pas raccroché je fais demi-tour.
J’avance dans du -2 m/s en me faisant contrer. Malgré l’accélérateur je fini par atteindre les 1200 m en étant encore bien loin de la cible. Je fais donc demi-tour et commence ma perte d’altitude.
Je termine ce magnifique vol en enchaînant quelques 360 tout gentils avant de me placer en finale. Une descente toute douce, une légère correction à gauche pour me placer dans l’axe du vent, une dernière ressource et… un posé en plein dans la cible ! Bingo, ce vol était décidément parfait.
Bilan : 3h30 en l’air, un plaf à 2650 m, un triangle de 40 km bouclé et mon objectif de la semaine largement atteint !
Merci à toute l’équipe : Damien, Guigui, Sylvain, Baptiste, Olivier et Fred pour les super conseils et l’ambiance canon de ce séjour. Sûr que vos conseils avisés m’auront vraiment porté pendant ce cross.
A très vite en plaine
Nico
PS : J’aurai adoré voir ma trace malheureusement le fichier de mon vol dans le Flymaster semble vérolé, du coup impossible de l’enregistrer pour la CFD… trop dommage.
PS2 : Le lendemain les conditions étaient fabuleuses et la journée promettait d’offrir encore des cross magnifiques. Pourtant en me mettant en l’air à midi je me suis senti très mal à l’aise et toujours à contre temps dans mes réactions. J’ai donc pris la décision d’aller poser après 45 minutes de vol. Mon analyse a posteriori c’est que j’ai accumulé beaucoup d’info sur ce premier cross et qu’il fallait sans doute que je me laisse un peu de temps pour digérer tout ça. C’est pas encore demain que j’enchaînerai les vols de 6h comme mes petits camarades d’escapade.